jaiplusdesouvenirs

28 novembre 2006

 

SMS de 48 messages


tapés dans l'avion qui me ramène de Rome, frénétiquement je tape, à en avoir mal au pouce, comme je le fais dans ces moments là ou mon clavier me manque, ou du papier me manque et qu'écrire est la seule issue à ce qui blesse et pèse. Les gens me regardent, ils se demandent à qui j'écris depuis une demi-heure, le steward dit d'éteindre les portables et cette fois je triche, je n'en ai pas le choix, je dois écrire... et j'écris...
Je ne me suis pas lavée depuis dimanche soir, je dois encore avoir un peu de son odeur sur moi, sous mes bras, entre les jambes, que je ne veux pas effacer, vestiges. Il est encore en moi, toute la journée, ma tête traversée d'éclairs de lui, de Rome, toute la journée à travers Britannicus, la Fée du Robinet, l'accord du sujet et du verbe, le conseil de classe, à chaque silence ou chaque geste qui m'éloigne de la compagnie d'un quelconque interlocuteur, ne serait ce que pour ramasser un stylo, aller pisser, prendre la monnaie de la machine à café, il est en moi. Je suis encore là-bas.

Et hier, assise dans le bus qui m'amène à l'avion, assise dans l'avion qui m'amène à Paris, j'ai tapé et tapé, à en avoir mal au pouce, et j'ai écrit ceci...

Nourrie de contes de fées et de tragédies, de poésies et de sacrés mensonges dont pourtant en première ligne, pour en connaitre les ressorts, pour vivre de les démonter ontologiquement, chaque jour ces ressorts à m'en nourrir, je devrais me méfier plus que personne, je me suis pourtant entêtée à tenter de mener une vie que je voudrais lire plutôt que celle que je suis apte à vivre... Pour mener à bien cette tâche d'héroine, il m'eut fallu être un être de papier et d'encre, et non de chair et d'os. Il m'eut fallu avoir un coeur fait de théorie et de postulats, batti par un démiurge savant qui aurait contribué à donner à chacun de mes actes un sens, une valeur esthétique, symbolique, philosophique. Une destinée. Oui il m'eut fallu une destinée, que je sois vouée à trouver, que mes errances soient des quêtes et non des non sens. Au lieu
de cela mes gestes sont vains, non soutendus d'aspiration ni de direction. Seule ma volonté erre à leur trouver même le moindre écho rationnel, donc rassurant, en la plus minime partie de moi même. Mais ils restent vains et tracent en l'air de belles courbes infinies qui douloureusement se perdent, qui jamais n'achoppent en nul endroit. Vaines, et mon coeur est bien réel et fatigué déjà de n'être lu que par moi et encore vous avouerais-je que ma vie est un roman sans lecteur dont les pages ne se tournent plus depuis bien longtemps, de fait, les mots, pates de mouches, se chevauchent en un indéchiffrable charabia d'où, bon an mal an, tentent avec désespoir d'émerger quelques lettres, iceberg à la surface d'une page gelée, luttant contre la dissolution. Les histoires s'entassent, se superposent et se ressemblent mais n'avancent pas dans ce livre à ne pas venir. Et je confesserais encore que je voudrais cesser d'avoir des choses à écrire. Parfois même des choses à vivre. Car vraiment, que la Princesse de Clèves et Anna Karénine m'en soient témoin, que Bovary me le pardonne ! mon coeur est bien plus réel que les leurs réunis, et bien plus fragile que tout ce qu'on a pu écrire sur les malheurs des leurs, et mes douleurs s'y infusent lentement. (12 sms)







Et si ce week end encore j'ai tenté l'amour, celui stendhalien de l'instant, de l'Italie, tout comme quelques jours avant j'avais tenté celui outre Atlantique, il m a fallu lutter pour contenir la propagation de l onde de tendresse qui s'élancait en moi lorsqu 'il me disait "sei bellissima.... (et là dans sa bouche mon vrai prénom à l'italienne qu'un pseudo chétif, minable ne rendrait pas dans toute la spendeur de notre nuit d'amour) sei bellissima" et elle était violente et je me disais resiste à cet amour qui avec tant de force s'impose à toi, je t'en prie, méfie toi. "Beau parleur" m'est revenu en tête... Mais il s'y prit si bien, souviens toi, la passion fulgurante, absolue, sans concession, de ses baisers qui bouffaient mon corps et sa peau et son sexe et ma bouche lui laissant à peine le temps de respirer, souviens toi ses mains habiles et la douceur de ses yeux et sa peau et mon sexe qui demandait à ne plus respirer. Son désir incontenable et notre lutte passionnée. Ce que j'avais peur mon dieu, ce que j'avais peur de l'aimer. Une panique primitive qui s'emparait de moi, le long de mon échine, de mon enfance, de mes ruptures d'adolescente, de mes douleurs à venir. Ce que j'avais peur... Ce que j'aurais voulu que ce fut possible et que s'arrêtent ici ces lignes et vous dire adieu à tous, à ma tristesse, à la crainte de crever seule, tirer ma révérence et en finir une bonne fois pour toute avec cette connerie de solitude et de vacuité et de faire semblant d'aimer ça le corps sur le marché à vendre ma chatte, mon trou du cul, mes seins, ma bouche qui ne se donne plus... tirer ma révérence et n'être plus que celle d'un seul homme. Ci gît Lunar "qui enfin fut aimée" aurais-je écrit alors. Je me suis donnée à lui avec l'espoir le plus fou, le plus desespéré, le plus profond et sincère, tragique, absolu. Je me suis soudain offerte à lui comme on accepte la mort ou Dieu, comme on hurle comme on abdique, comme on supplie. Comme on aime parfois... Et alors quelque chose percuta en moi ce point minuscule ou logent l'espoir le besoin le désir le lointain le futur et. L'amour. Et se propagea en criant, en faisant trembler quelques fondations dont les murs si haut élevés s'écroulèrent et croyez moi, ou pas, mais les 3 petits cochons, nos frères, me revinrent en mémoire et je vis les murs de mes briques chanceler... Mon amour, murmurai-je malgré moi et il enfouit sa tête entre mes seins et j'avais beau me répéter non ce n'est pas pour toi, ce n'est pas réel car tu es dans la vraie vie, voilà, le barrage céda comme il cède à chaque fois, et croyez moi ou pas, Duras me revint en mémoire, et Kundera... Et je me disais alors que je prendrais tous les avions du monde pour être dans ses bras s'il m'était donné de rencontrer l'amour et j'avais envie de prier pour que cela dure un peu. Voglio una notte de tutte le notte ai je reussi à dire. Mais au cas ou vous l'auriez oublié, dieu n'existe pas et il me l'a bien fait payer encore une fois.
Le lendemain il ne me souriait plus et mon coeur se remit à battre, c'est à dire à saigner. Et là croyez moi ou pas, mais c'est toute ma vie à moi qui m'est revenue en mémoire, tous mes échecs et mes espoirs fous, tout ce bonheur que je frôle et qui chaque fois s'effarouche s'envolant quelques mètres plus loin, juste à portée de vue, jamais à portée de main. Toute ma vie, celle que parfois vous lisez, celle que je suis lasse de vivre. Ma vraie vie, c'est la littérature.

Et l'avion a décollé, j'ai regardé Rome comme je regardais New York, et Madrid, comme je regarde Paris en revenant chaque fois, comme je regarde toutes ces petites lumières si belles partout, en bas, sans espoir, resignée, douloureusement enfermée en moi-même. Je regarde ce livre ouvert posé loin à terre sous moi, et je me vois courir sur chacune des pages, d'hommes en hommes, tour à tour prise et laissée.
Je me lis, lasse, je voudrais juste vivre.


A franck



Comments:
merci :)
ca faisait un bail qu on s etait pas blogvus...
 
sache que le lecteur lit ....
 
merci, je croyais que plus personne ne venait, mes comm sont bloqués...
 
Baaahhhh..."la vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réelement vécue, c'est la littérature" (Proust)
Alors vous avez bien raison !
(ça fait du bien de lire des personnes comme vous)
 
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