jaiplusdesouvenirs

03 avril 2006

 

mobilis in mobile


Elle m'a dit "Vous habitez toujours 9 rue Robespierre à Ivry sur Seine ?" j'ai souri et j'ai répété comme si cela avait été une formule incantatoire "9 rue Robespierre a Ivry..., non, non" et voila... mon appartement, la cage d'escalier, le froid de la panne de chaudière, mon premier amour, ma chambre aux murs jaunes et le lit défait...
Je me suis imaginée qu'elle m'eût dit la même phrase avec mes adresses précédentes et je suis retournée hanter tous mes logements de ces dix dernières années "9 rue Christian Dewett" "9 impasse Sarturan" que des 9 ai-je pensé... j'ai revu mes bureaux, mes cuisines, mes salles de bain avec émotion... je me suis revue à Ivry, la nuit, attendant ses appels, le ventre noué, sur mon premier portable...

Mon premier téléphone fut un Sagem Sanaga, je m'en souviens très bien car il avait la même couleur que ma maison près de l'océan... Je me souviens encore de mon numéro de téléphone à l'époque 0663055669 : Je me souviens de sa lumière verte dans la nuit, de son écran sur lequel je tapotais les sms, sans écriture intuitive alors "Bonui mon amour jtm", c'était le téléphone de mon premier appartement, solitaire en banlieue, de la fenêtre duquel, la nuit, je surplombais une mer de lumières...

Mon deuxième téléphone fut le Nokia 310, au vibreur le plus jouissif de tous les portables, le bon gros vibreur viril et rassurant... et à présent à chaque fois que j'entends Hurdy Gurdy (prin prin prin priiin tutututututututuuuu ou quelque chose comme ça) je susaute et je souris. Quelque chose flotte, décrochage : le temps est en suspend, jouissif et douloureux à la fois. La madeleine est devenue une tonalité.

Et puis est venue l'époque des écrans bleus. J'en avais eu un dont je pouvais choisir la couleur de l'écran rose pale, bleu, vert, et aussi la couleur du petit voyant lumineux au dessus ! c'etait incroyable ! un Samsung ça y est j'ai trouvé ! Mais mon premier et tendre amour, qui est d'ailleurs papa aujourd'hui grand bien lui fasse, l'a lancé contre un mur...

Allez vous trouvez peut etre mon post inutile mais avouez que vous aussi vous ressentez cette drole d'emotion attendrie lorsque dans le métro, un centre commercial ou autre endroit public, vous entendez la sonnerie qui vous rappelle immédiatement et presque malgré vous, une ville, une époque, une personne, une nuit, une couleur, presqu'une odeur... Voilà, vous venez de comprendre Proust et la mémoire involontaire (oui c'est comme ça que je leur explique Proust)

C'est effrayant, c'est magique, cette sensation du temps qui n'est plus, cet éphémère qui se révèle dans toute son acuité, c'est preque artistique ou métaphysique (oui oui je m'emballe un peu, mais après si je ne m'emballe pas qui le fera...?)

Et puis la dame m'a demandé ensuite mon nouveau numéro de téléphone et après le lui avoir donné, je lui ai demandé l'ancien... je me dis que bientot, plus personne n'aura l'ancien : 0613016375...
je le répète dans ma bouche, c'en devient une caresse, je laisse monter Marseille, 0613... et Madrid, 01... et mes douleurs d'il y a 5 ans...63... qui me paraissent adolescentes alors qu'elles sont pourtant les mêmes qu'aujourd'hui... 75.. Paris...

Samsung 0613016375, c'était une autre moi... celle d'il y a 5 ans, je voudrais écouter les sonneries et me laisser bêtement frissonner, merci Pavlov... merci Proust...


Comments:
Tiens, c'est amusant de rapprocher Pavlov de Proust, même si les madeleines ou les pavés, ça doit être le contraire d'un réflexe pavlovien, parce que ça ouvre quelque chose, ça fait quand même une jolie conclusion à ce texte ;-)
 
moi j'adore Pvalov et les sonneries Proustiennes
 
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