jaiplusdesouvenirs

22 mars 2006

 

Papivore sans gérontophilie




BÉRÉNICE

Hé bien ! Régnez, cruel ; contentez votre gloire :

Je ne dispute plus. J’attendais, pour vous croire,

Que cette même bouche, après mille serments

D’un amour qui devait unir tous nos moments,

Cette bouche, à mes yeux s’avouant infidèle,

M’ordonnât elle-même une absence éternelle.

Moi-même, j’ai voulu vous entendre en ce lieu.

Je n’écoute plus rien, et pour jamais, adieu.

Pour jamais ! Ah ! Seigneur, songez-vous en vous-même

Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ?

Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,

Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ?

Que le jour recommence, et que le jour finisse,

Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice,

Sans que de tout le jour je puisse voir Titus ?

Mais quelle est mon erreur, et que de soins perdus !

L’ingrat, de mon départ consolé par avance,

Daignera-t-il compter les jours de mon absence ?

Ces jours si longs pour moi lui sembleront trop courts.

Qui d'autre que moi travaille chaque jour en contact avec l'art hein ? (bon ok Medusis, mais est ce vraiment de l'art ?) Moi, chaque jour je tiens une oeuvre entre les mains et j'essaie de faire comprendre à 35 gamins qui ne pensent qu'au cul, au foot, aux joints ( presque comme leur prof) qu'ils doivent se prosterner devant le sacre de la beauté chaque jour révélé. Et je suis celle par qui la beauté doit naître, noble tâche, et difficile... C'est une émotion, un texte, un auteur qui vient et me parle et me convainc, à travers un regard, un c'est beau madaaaame, une tête qui se tourne et m'écoute malgré elle, où interrompt son bavardage avec son voisin pour tendre l'oreille aux vers de Racine... que j'ai fait le bon choix de mon métier. Ils aiment que je lise, parfois me regardent et ont peur que je trébuche... L'air devient plus lourd, le temps se suspend alors, le silence se fait, c'est à chaque fois une épreuve, et par ma bouche, les livres, les siècles, par la langue française que j'aime tant, parlent. Des années d'amour de la litterature, jamais démenti et à chaque fois je me souviens, sur ce texte par exemple, quand Yohann et moi nous étions séparés, qu'en amphi, Molinié, mon prof a l'époque nous avait lu ce passage, alors j'avais pleuré. Je me souviens que Sancier (oui ce sont des noms de grammaire pour vous) qui avait répondu à cette considération de la critique : "La critique dit que dans Bérénice il ne se passe rien que c'est juste l'histoire d'un homme et d'une femme qui se séparent. Il faut vraiment n'avoir jamais vécu de rupture pour penser que la séparation est l'équivalent du rien"... J'avais été tant reconnaissante... Ces profs que je cite... M'appropriant leurs coups de génies comme ils ont dû s'approprier ceux de leurs profs... Faire son miel ... Et parfois, à la lecture d'un texte, je revois Mme Segond, qui me révéla mon inconditionnel amour des livres, et je suis émue d'être à sa place, et je me demande si elle serait fière de moi. Si la réponse est oui, alors... je suis en paix.

Et chaque fois que je le relis, ce passage, chaque fois je me dis merci à moi meme d'avoir fait le bon choix, celui de ma véritable et unique passion.



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