jaiplusdesouvenirs

30 mars 2006

 

La 25ème image...


Ah lalala... avec le CPE et cette crise politique et sociale, il est difficile de bien s'entendre avec son voisin dont jusqu'à présent on feignait d'ignorer les idées politiques, fermant les yeux sur son appartenance au groupe opposé.
La France est ébranlée, les masques tombent.
Qui ne s'est échauffé à la cantine, au restau, dans le métro, devant les infos... avec son cousin, son conjoint, son coloc, ses amis ?
Au début c'etait gentillet "t'es plutot pour ou contre ?" mais la durée du conflit nous pousse à rentrer dans nos retranchements, à approffondir le sujet, à pénétrer plus loin dans l'argumentation, l'information, à nous tenir sur nos gardes bref, pour une fois, à nous bien informer pour savoir exactement de QUOI on parle.
Mais si beaucoup savent exactement ce qu'ils pensent de la Chose en question, moi pas par exemple... alors j'argutiote de droite et de gauche, je me tate... sans éviter les ecueils du plus mauvais gout...
Tous les jours on y a droit "Precarité contre flexibilité, réalisme contre idéologie, grève contre pas grève, manif contre parapluie"
Faut dire que nous on est pas gaté... blocus au collège, djembé devant le bahut, AG tous les deux jours etc etc
Avant tout cela, les collègues restaient avant tout des collègues, petit à petit, ils deviennent des opposants politiques, les clivages apparaissent. Personne n'est épargné. L'ambiance se tend, ça debat à qui mieux mieux (sympa cette expression).
Cependant, les blogs à caractère politque se multiplient eux aussi, les posts bien sûr, besoin d'exprimer sa petite réalité intérieure etc

Mardi aprés la manif, je rentrai chez moi... il était 1h du mat, à l'angle de deux rues, 6 jeunes encapuchonnés, à la démarche bancale, hâtés par je ne sais quel rendez vous avec Paris nocturne...
Ils fondent sur un couple d'amoureux enlacés, et leur demandent une clope, agressifs malgré eux. Non, ils se retournent vers moi, seule proie, je réponds oui et je continue a marcher, ils me demandent deux clopes, t'es belle, non elle est pas belle elle a du charme, non elle est belle, vas-y on s'en fout d'sa gueule prends des clopes, je sors une clope, pas deux leur dis-je tranquillement, puis pour mener la conversation sur mon terrain je leur demande d'ou ils viennent, Mantes la Jolie mademoiselle, 78 ! et de rajouter fiers : c'est les émeutiers qui vous parlent ! ils arrivent de République continuent-ils (à 1h !) où ils ont continué à affronter les CRS jusqu'alors. Tu sais quoi ? me dit un, le moment que j'ai préféré c'est quand ils ont ouvert le métro alors on a couru dedans y avait plein de keufs en civil et on les a éclatés à grands coups de latte !
Alors, ivre de bière et de violence, l'enfant soldat, le mercenaire, se mue en un orateur fou, : enthousiaste, il s'agite et relate sa petite heure de gloire, son trophée, il s'emballe comme s'il me contait sa plus belle action au cours du match de foot, "j'ai shouté dans la tête du gars comme ça", il mime ses coups de pieds, grisé par le souvenir de la scène qu'il revit devant moi, pris au jeu de son morbide récit comme un gosse qui me raconterait une scène d'un film de Bruce Lee, il sautille autour de moi, il en oublie qu'il me décrit une scène de lynchage, en oublie qu'il parle à une inconnue qui sourit, attristée,incompréhensiblement compatissante et surtout écoeurée...
Je lui dis désolée je n'approuve pas trop ce genre de trucs même si j'ai été manifester aujourd'hui moi aussi, il y a un blanc, un ange de honte passe, hésite à s'attarder le temps de marquer leur visage d'un froncement de sourcil dubitatif, puis disparait... ils veulent s'inviter chez moi, ils me disent t as vu on te fait une escorte de ouf, il peut rien t'arriver, comme pour se faire pardonner, c'est vrai ils font peur : canette à la main, joint au bec, tête cachée, des visages encore imberbes, "On est contre le CPE" 15, 16 ans peut être... Ils ont ce regard d'enfant qui vient d'ouvrir un cadeau, les yeux brillants, plein d'excitation, fiers, presque m'attendrissant malgré moi, et je lutte pour ne pas les considérer avec indulgence.
Rien en eux pourtant à cet instant précis ne trahissait la colère, ou alors à peine, inquiétante, une mince flamme dansant de façon persistante au fond de leur prunelle témoignant sans doute de l'excitation et de la haine, en suspend toutefois, en repos pour l'instant...
Mais ils n'avaient pas non plus dans les yeux cette folie fauve, carnassière, cette lueur froide et figée, inébranlable, ce regard qui porte en lui la marque indélibile de celui qui a connu l'enfer, l'empreinte de l'homme fou de détermination haineuse, qui fait de n'importe lequel de ses semblables une victime potentielle et qui se tient prêt à frapper sans aucune indulgence ni pitié, brusquement et sans motif, et semblant déterminé à tout moment à la pire des éventualités, de ceux dont le regard se darde en vous comme un avertissement, vous parcourant l'échine de frissons de frayeur.
Non, ils étaient juste naïfs, libres, incompréhensivement inconscients, d'eux comme du reste du monde... La violence comme hymne à la vie, à la joie... Pourquoi ?
Ils se sentaient les héros d'un vaste jeu de guerre, à échelle humaine et ils venaient de livrer leur premier combat... Battle Royale.
Il n'y a plus de métro pour eux, la nuit sera longue en errance vandalisante...


Comments:
Un petit tour par l'article de Miller, qui se montre bien ignorante de la remise en question de la relation "obligatoire" entre maltraitance subie et répétée, hyper documentée depuis une vingtaine d'années par les chercheurs sur le terrain de la résilience...
En fait si la relation qu'elle décrit est généralement vérifiée (maltraitant = ancien maltraité) il est prouvé que l'inverse est très loin d'être vrai - heureusement parce qu'un Hitler sur 10 au moins, ça serait irrespirable.
Ces recherches ont montré au contraire que la plupart des maltraités ne reproduisent pas les comportements maltraitants, mais cherchent à tout prix à compenser ce qu'ils ont vécu. (Ce qui ne veut pas dire que les traces laissées n'amènent pas par ailleurs des comportements très préjudiciables à leur progéniture. Les carences en maternage ne sont pas à mettre au même niveau que les brutalités volontaires).
Les bouquins de vulgarisation sur le thème comme les derniers Cyrulnik attirent l'attention sur le poids que fait porter sur les enfants maltraités la relation établie par Miller (qui est vieille comme le monde d'ailleurs), qui fonctionne comme une prédiction...

Mais sur le plan individuel, malgré les pistes étudiées, (bribes d'indices sur ce à quoi s'accrochent les "résilients"), ce qui les différencie des bourreaux reste un mystère.

A mon avis, c'est à un niveau social qu'il faut chercher les circonstances propices à l'épanouissement à vaste échelle de ces comportements - j'entends par là une violence sociale couplée à une faille individuelle. On ne peut pas se servir d'un crible unique pour analyser le monde...
 
non bien sur, pas unique
moi je propose une voie possible, apres je suis sure de n etre pas d accord avec tout mais Miller permet de comprendre certains agissements, certains individus
par ailleurs, je pense que l on peut deplacer sa problematique familiale a sociale puisqu elle parle de la repression educative comme un facteur de declenchement de violence, or, la repression est sociale, surtout en banlieue (je parle de leur ressenti)
As tu vu "Chronique de la violence ordinaire " ? C'etait aussi leur these, il n y a pas que maltraitance, il y a manque d amour... sentiment d etre rejeté donc de n avoir aucune valeur ni legitimité...
les enfants bien encadrés et structurés tombent moins dans cette dérive la...
Je crois que Miller explique le cas de ceux qui reproduisent la maltraitance...
Bref, elle ouvre un debat, convoquons Dolto... :)
 
joli récit, touchant, bravo cocotte
 
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